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Pain perdu : Des solutions existent

900.000 pains soit 100 millions de dinars sont jetés dans les poubelles chaque année
Ce qui est désolant dans la présentation d’un certain nombre de dossiers importants, c’est  l’énonciation de chiffres (qui donnent souvent le vertige) sans, en fin de compte,  donner ne serait-ce qu’un début de solution. Cela prouve tout simplement que le dossier est mal préparé.

C’est ainsi que depuis des années, on nous répète que les Tunisiens gaspillent beaucoup de pain. 900.000 pains soit 100 millions de dinars sont jetés dans les poubelles par année.

Et si nous y ajoutons le reste des produits subventionnés qui finissent aussi dans la nature, cela donne une idée de notre façon de consommer.

Les raisons de ce gaspillage du pain sont  d’abord structurelles. Personne n’a voulu toucher à ces centaines et centaines de boulangeries illégales qui poussent partout. Elles fonctionnent, dans des conditions  souvent  à la limite des bonnes conditions d’hygiène, fabriquent du pain et faussent les chiffres en accroissant l’offre sans qu’il y ait de la demande. Ou alors, elles réussissent à avoir de la farine subventionnée qu’elles revendent à des pâtisseries qui la transforment en gâteaux avec tout le retour sur investissement que l’on peut supposer.

Les sanctions, en cas de découverte d’illégalités, sont dérisoires et les complices   potentiels trouvent leur compte.

C’est l’Etat qui, bien sûr, est le dindon de la farce. Parce qu’il agit mal, trop tard et bien entendu protège avec dommages ses intérêts.

Mais revenons au pain jeté. Y a-t-il une solution pour en faire quelque chose, pour ne pas le perdre et alléger le fardeau que coûte sa subvention ?

Rien ne se perd

Le  vieil adage qui dit que « tout se transforme et rien ne se perd » a été  mis à profit en France, plus exactement dans la région Montreuil-Sur-Mer, dans le Pas-de-Calais. C’est ainsi qu’une association récupère les pains invendus pour créer de l’emploi. Un Bordelais répondant au nom de Franck Wallet s’est aperçu qu’en collectant du pain pour les restos du cœur  (eux ils ne jettent pas leurs surplus dans la rue pour faire de la mauvaise propagande),  il en restait  toujours une très grosse quantité. Il s’est lancé dans la production de pain perdu avec 3 limites qu’il perçoit rapidement : le pain perdu c’est bon, étant chaud, mais cela ne se conserve pas longtemps et il est difficile d’inciter les boulangers à se lancer dans une production massive de pain perdu.

En faisant des expériences chez lui, où il a découvert qu’en broyant du pain sec, il pouvait en récupérer une poudre avec les mêmes propriétés de la farine, pouvant s’intégrer dans de nombreuses recettes. Il a conçu une machine qu’il a baptisée «le crumbler ». Elle n’a d’ailleurs rien de génial et un de nos bons  techniciens pourra la concevoir en un tour de main.

Le premier prototype puis l’industrialisation et la fabrication de cette machine et sa mise en vente  auprès des professionnels se sont faits depuis juin 2017.

Il y a plusieurs avantages : tout d’abord la réduction de la perte de pain,  puisque le pain non vendu va pouvoir être recyclé, ce qui réduit ainsi les pertes du chiffre d’affaires du boulanger.

Après avoir soigneusement trié, découpé et asséché le pain, on le broie dans le crumbler. Le boulanger mélange 2 kilos de la chapelure obtenue avec deux kilos de farine traditionnelle. Il hydrate et  fait cuire. «La levure est cuite, donc le pain est  plus digeste», explique le boulanger qui a adopté  cette innovation.

La société qu’il dirige s’est lancée dans un projet baptisé «les recettes évadées». Elle propose à l’ensemble des boulangeries partenaires, différentes recettes à base de cette farine recyclée, leur permettant de fournir  aux entreprises des buffets sucrés et salés éco-responsables. Comme quoi l’économie circulaire n’est pas simplement réservée à l’industrie.

Aliments pour bétail

Dans ce cadre, la transformation du pain rassis restant, non transformé, peut devenir un aliment pour  bétail. En disposant  de cette  première phase intéressante  en quantité suffisante, les ajouts des déchets de légumes, fruits, etc., les contraintes techniques s’avèrent peu exigeantes. Des innovations pareilles réduisent considérablement  les frais occasionnés par l’achat de concentrés en saisons sèches.

Cela ne fait pas l’affaire des importateurs qui verraient d’un mauvais œil un marché juteux leur échapper.

Des granulés pour animaux de basse-cour

Autre utilisation, la fabrication de granulés pour animaux de basse-cour à partir de pains invendus  qui a lieu aux îles de la Réunion.

L’objectif,  annonce un des promoteurs de cette idée, c’est la conception d’un aliment pour les animaux de basse-cour à base de farine de pain. Au cours de l’expérimentation, il s’agira de déterminer les compléments indispensables pour obtenir des granulés susceptibles d’apporter tous les minéraux indispensables à la bonne croissance des volailles.

Sommes-nous les seuls à avoir « découvert » cette façon de tirer profit du pain perdu qui date depuis des années ? Où sont nos attachés consulaires, nos attachés de presse et autres personnes qui auraient dû alerter les responsables qu’il y a une issue pour ces tonnes de pains jetés dans la rue ?

Il faudrait croire que cette situation intéresse certains et personne n’a voulu réveiller le lièvre. Maintenant que c’est dit, il faut contacter ces pionniers, profiter de leur expérience et s’atteler à la tâche.

C’est le travail des laboratoires, mais aussi l’engagement des tutelles qui, jusque-là, se sont contentées d’annoncer et de dresser des bilans de plus en plus noirs, sans prendre d’initiatives.

Il y a d’ailleurs, des dossiers déposés en la matière qui ont été négligés sont restés sans réponse.

Intéresser les laboratoires

Les départements de l’agriculture, du commerce des finances et de l’économie devraient inciter les laboratoires étatiques et privés à effectuer des recherches pour atteindre les objectifs visés. Il faudrait les intéresser en y mettant sérieusement le prix et non pas en proposant quelques misérables milliers de dinars (en cas de réussite, on économise des milliards !). Pour récompenser ceux qui mettront en place les formules nécessaires pour cette mise en  valeur des sous-produits qui ne sont plus négligés de par le monde,  grâce aux avancées scientifiques que l’on enregistre ici ou là.

Mais c’est effectivement un tout autre problème qui ne saura être résolu par ceux qui se contentent de profiter du confort de leurs bureaux chauffés ou climatisés.

Il faut des hommes à décision, des fonceurs, des convaincus que nos jeunes et nos entreprises valent beaucoup plus qu’ils ne croient.

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